Un peu d’histoire : d’un art primitif à un art populaire
Le tatouage, procédé millénaire par lequel on marque le derme de façon indélébile, est très pratiqué dans les rituels orientaux, africains et océaniens dans lesquels il revêt un rôle social, religieux ou mystique. C’est un honneur, un signe de fierté qui accompagne les individus dans les rites de passage et prouve leur appartenance à la communauté.
En Occident, cette pratique, qui servait à distinguer les différentes classes sociales, a longtemps été méprisée car fortement associée aux marginaux et excentriques.
Le tatouage avait donc plusieurs significations en fonction des cultures :
- En Polynésie, c’était l’appartenance à un rang social élevé. Plus ils étaient riches plus la personne socialement élevée
- En Nouvelle Zélande, les femmes Maoris se faisaient tatouer le visage à leur mariage et les hommes lors des rites de passage (un refus signifiait un manque de courage, ils étaient indignes de faire partie de la communauté)
- Au Japon, le tatouage traditionnel était associé au crime, à la pègre et aux mauvaises mœurs
- En Chine, les groupes ethniques s’en servaient pour mettre en avant leurs caractéristiques régionales et leurs légendes populaires
- En Afrique noire, il était considéré comme un embellissement et un passage obligatoire pendant les rites d’initiation.
- En Europe, c’est entre 1950 et 1970, avec l’apparition des mouvements Teddy Boys, Mods ou encore punk, que le tatouage évolue. Il sert alors à marquer sa différence par rapport au reste de la société. Le corps devient un canevas sur lequel on placarde son refus des règles et la peau un lieu de revendication.
Le tatouage aujourd’hui : marque d’unicité et d’affirmation de soi
Longtemps considéré comme un acte de rébellion réservé à certaines sous-cultures, le tatouage se dé-marginalise dans les années 1990-2000.
Le corps devient une toile sur laquelle on appose des œuvres d’art, des symboles, des souvenirs, ou encore des convictions. Au même titre que la coiffure, la façon de se raser, le style vestimentaire ou les accessoires, le tatouage permet de choisir la façon dont on se montre au reste du monde. Comme l’explique David Le Breton dans son ouvrage Tatouages, piercings et autres marques corporelles, « La marque corporelle affiche l’appartenance à soi. Elle traduit la nécessité de compléter personnellement un corps insuffisant à lui-même à incarner l’identité personnelle ».
Cette pratique vient s’inscrire dans le boom de la mise en scène de soi, caractérisé par l’envie de sortir de l’anonymat, de montrer que l’on existe et que l’on s’assume tel que l’on est. Il suffit de se connecter aux réseaux sociaux pour constater, qu’au-delà du marquage corporel, l’essor de la diététique, de la pratique du sport, des actes chirurgicaux et cosmétiques s’inscrivent dans une réelle envie de personnalisation. On cherche à personnaliser son corps, à le contrôler pour le rendre conforme à ce que l’on est.
Dans ce contexte, le tatouage devient un outil supplémentaire de personnalisation. Les salons de tatouage ne cessent de fleurir dans les villes, des affiches sont placardées partout pour promouvoir des salons officiels et cet art autrefois méprisé entre même au musée avec l’exposition « Tatoueurs tatoués » organisée par le Quai Branly en 2015.
On joue la provoc et on n’hésite plus à se revendiquer rebelle. Les corps parfaits et sculptés ne font plus l’unanimité, la tendance est aux beautés singulières, plus excentriques qui osent s’affirmer : on mélange les styles et la vision de la beauté se transforme au gré des envies et des humeurs.
Au fil du temps, le tatouage apparait dans les magazines, les films, les spots publicitaires et devient même parfois le point central de certaines communications.
Le culte du tatouage
Ce marquage rentre dans notre quotidien et devient une conception alternative de l’individualité et les marques l’ont bien compris : on propose des produits différemment à un public qui se revendique différent.
Que ce soit discret ou flagrant, nombre de marques font du tatouage un outil de communication :
- Thierry Mugler et Dermablend Professional n’hésitent pas à faire appel Rick Gesnest alias Zombie boy
- Jean Paul Gaultier adopte la tatouage attitude que ce soit dans ses communications ou lors de ses défilés
- Fred opte pour Kate Moss, mettant en avant son ancre au niveau du poignet
- Christian Dior montre un Johnny Depp manches relevées et tous tatouages dehors
- Tag Heuer fait appel à Cara Delevingne et à son lion
- Le groupe Bavaria lance la campagne « démesurément tattoo » pour soutenir sa marque de bières 8°6
- Chanel fait appel à Alice Dellal pour incarner sa collection Chanel Boy
On joue sur les signes de différentiation sociale pour donner l’image de produits choc, avant-garde, moins classiques à destination des cibles plus jeunes et on les accompagne vers l’âge adulte en leur proposant des produits adaptés à leur personnalité/ mode de vie.
Le tatouage publicitaire
Outre l’apparition du tatouage dans les publicités et sur les podiums, une nouvelle dimension a vu le jour : le tatouage publicitaire ou « skinvertising ». C’est un concept marketing qui consiste à louer/ vendre des parties de son épiderme pour y tatouer le nom d’une marque, un logo ou encore l’adresse d’une site web contre rémunération.
Cette pratique s’inspire des fans de jeux vidéo qui se faisaient déjà tatouer les logos de leurs marques favorites et est apparue aux USA en 2004 lorsque Karolyne Smith, une jeune mère de famille, décide de se faire tatouer le front à l’effigie de Golden Palace (Casino en ligne) en contrepartie d’une rémunération de 10 000$ pour assumer les frais de scolarité de son fils.
Les exemples de tatouage publicitaires vont se multiplier au fil des années et nombreux sont ceux qui proposent leur derme aux entreprises :
Karolyne Smith, mère de famille / Billy Gibby, Boxeur / Nick Symmonds, Athlète
D’hier à aujourd’hui, de l’emblème à la publicité, doit-on y voir un symptôme de la dégénérescence éthique ? Le tatouage de demain rimera-t-il uniquement avec vénalité ?